Autant l’avouer tout de suite, je n’ai lu qu’en diagonale l’article publié dans « Le Matin » d’il y a quelques jours, si je ne m’abuse, par l’avocat et ancien conseiller d’Etat Philippe Puidoux sur la grève dans les gymnases. Cela m’a suffi pour voir qu’il n’avait pas compris l’essentiel, c’est-à-dire la cause. Autant le répéter inlassablement (notre métier nous habitue à ce genre de pratique) : la cause de la grève dans les gymnases n’est pas à proprement parler une revendication salariale.
Non, M. Puidoux, les maîtres de gymnase ne réclament pas d’augmentation de salaire-carrière (donc de statut), pas même de récupérer le statut qu’ils ont perdu en quinze ans de non-indéxation, de blocage des salaires réels et de contributions de crise en contributions de prospérité (oui, ils l’ont payée en 2006 alors que les finances du canton étaient à flot !), non pas même ces 15% de baisse de pouvoir d’achat - couplée, en plus, à une augmentation de productivité de 20% - non, pas cela, même si ces chiffres sont impressionnants et signifient que le métier a déjà complètement changé depuis les années 90. Tout cela ils l’ont finalement accepté et, en tant qu’ancien conseiller d’Etat, M. Puidoux est bien placé pour le savoir, puisqu’en bonne part c’est lui qui les y a amenés par ses plans d’économie qui furent à la gestion des services publics ce que les saignées du docteur Purgon (cher à Molière) l’étaient à la médecine de son temps!
Mais le service public n’est pas mort pour autant, docteur Puidoux, je vous rassure…
Et c’est un peu grâce à nous.
Cela dit, peut-être faut-il, de nouveau comme chez Molière, le « crier comme quatre » : ce que nous refusons, c’est qu’une catégorie particulière de collaborateurs de l’Etat soit publiquement et officiellement déclassée, dévalorisée, démoralisée, divisée et désormais stigmatisée tout spécialement par le pouvoir bien qu’elle n’ait jamais démérité, bien au contraire, puisqu’elle a déjà accepté à la fois des baisses de salaire et des augmentations de charge de travail, et ceci dans un contexte socioculturel de plus en plus difficile!
Et, au-delà de cela, nous réaffirmons que nous récusons un système cannibale qui revalorise les uns en prenant aux autres et se prétend plus juste alors qu’il continue d’exploiter les plus faibles (les nettoyeuses de nos gymnases, entre autres) pour aller satisfaire les besoins de prestige et de lucre des hauts cadres (de fait, il y en a qui sont encore au-delà des CHF 240000.- par année de la classe 18 - hors SYSREM, oui !). Même si, bien sûr, nous ne sommes pas hostiles aux revalorisations, cela va de soi…
Voilà la réalité.
Voilà la cause de la colère.
Et le gros bâton de M. Broulis n’y changera absolument rien. Il amènera peut-être la peur et donc brisera encore davantage la confiance, c’est tout.
Oui, impressionnés, dégoûtés, voire désespérés, les maîtres de gymnase rentreront peut-être dans le rang au semestre, comme le souhaite un gouvernement visiblement mesquin et vétilleux, probablement incapable de voir au-delà de la fin du mois. Mais ils le feront le poing dans la poche et leur colère ne faiblira pas, bien au contraire : elle sera là, prête à éclater à nouveau à la première anicroche (et il y en aura !) – et pour ce qui est de la bienveillance et de la bonne volonté à l’égard de l’employeur, elles ne seront plus qu’un vain mot, essentiellement une pure façade de convention.
Là, je pense que M. Puidoux me comprend parfaitement…
Est-ce qu’il souhaite voir se dessiner la situation que j’ai dépeinte dans les gymnases vaudois pour 2009 ?
Pour ma part, je ne ferai pas comme le gouvernement vaudois à l’égard des maîtres de gymnase et lui souhaiterai tout de même bonne année et bonne santé, à lui et aux siens, bien entendu.
Nous sommes entre gens civilisés.
Philippe Leignel