Le Conseil d’Etat souhaite le désordre dans les gymnases

[Ph. Leignel]

Oui, précisons : la majorité de droite du Conseil d’Etat souhaite que le gymnase aille mal, d’accord… La chose est désormais démontrée. De fait, à travers une politique salariale absurde et incompréhensible à plus d’un titre et dont elle est le soutien sans faille, la droite de ce canton a objectivement exprimé son mépris complet pour les maîtres de gymnases.

En effet, après seize ans de grignotage des salaires, d’augmentation des effectifs, de réduction drastique du coût par élèves, la droite du Conseil d’Etat a montré très clairement, après son niet du 25 février, qu’elle souhaitait dévaloriser – mordicus - le statut salarial des nouveaux maîtres de gymnase – et donc participer à leur déconsidération, les démotiver, les démoraliser et, ce faisant, laisser le gymnase aller à vau-l’eau et décourager de même les élèves en engageant l’institution dans une spirale destructrice dont aucun responsable politique ne peut pas ne pas avoir conscience, à moins d’être totalement imbécile.

Alors un certain nombre de questions se posent immédiatement : s’agit-il d’un cas d’incompétence pure et simple ? La haine est-elle aux commandes ? Ou, plus cyniquement, a-t-on choisi délibérément d’humilier la culture, à travers ceux qui la transmettent à la jeunesse, parce qu’on la sent, cette culture, de moins en moins incline à se soumettre à l’économisme borné et crétinisant qui règne partout dans les élites financières qui nous gouvernent ?

Il est évident que nous penchons pour la troisième solution.

Et cela nous détermine dans notre lutte : nous combattons des hommes insensés (littéralement : ils ne croient en rien) qui prétendent que le seul moteur des sociétés est l’intérêt le plus bas - des hommes sans honneur, sans grandeur, sans autre foi que leur compte en banque, des hommes mesquins qui n’ont d’autre but (leur politique fiscale et la démagogie parfaitement lisible qui la soutient le démontrent) que de favoriser l’enrichissement purement matériel de leur clientèle de possédants, des hommes dont l’idéal n’est guère que le matérialisme grossier.

Et nous, nous cherchons l’or du temps...
Voilà ce que nous envient ceux dont l’existence ne va nulle part.

Philippe Leignel

[Quentin S.]

Je ne pense pas que le problème de base vienne des finances. C'est plutôt le département de la formation et de la jeunesse qui est le problème. Y a aucune raison de mettre de l'argent dans un système qui ne fonctionne pas et c'est bien normal.
D'après moi la faute vient évidemment de madame Lyon et de sa politique de gauchiste qui ne mène à rien [je pense que tout le monde l'a compris, c'est prouvé et certifié ]. Et faut se rendre à l'évidence, le gymnase vaudois fait partie des catastrophes du système actuel. Les faits sont là, université en colère, EPFL furieuse du niveau catastrophique des gens qui sortent du gymnase vaudois, etc etc. Année supplémentaire, mise à niveau obligatoire et j'en passe .. Bref, venir dire que le problème est un problème d'argent c'est tout à fait stupide. Et vous prétendez que vous n'êtes pas matérialiste ? Vous cherchez l'or du temps ? C'est une plaisanterie x) ? Vous vous battez pour une cause purement matérialiste et avare, bien que je comprenne l'impacte psychologique qui peut s'en suivre.

Aussi, il faudrait se poser les questions suivantes [quelques exemples, y en a beaucoup dans le même style] :

- Comment pouvons nous atteindre un niveau suffisant sur 3 ans d'études seulement ?
- Pourquoi si peut de périodes d'OS ?
- Pourquoi un horaire de la préhistoire alors que les pays au même niveau que la Suisse ont adopté des horaires bloques depuis longtemps ?
- Pourquoi on perd notre temps à apprendre des stupidités inutiles alors que y a plein de chose d'utile à apprendre ? [ça fait longtemps que les étudiants se disent ça et pourtant personne n'a jamais pris la peine de faire tomber ce système de "perte de temps"].

Je comprend pas pourquoi aucun professeur de gymnase n'a encore essayé de faire tomber ce système stupide ... mais enfin bon, quand je dis que la plupart en ont rien à faire de leur métier et de son impacte, du moment qu'ils sont payé à la fin du mois ils sont content ...

Bref, c'est le DFJ qui doit être restructuré radicalement avec des personnes compétentes, ensuite on pourra discuter des modalités d'injections d'argent dans la formation post-obligatoire.

[Ph. Leignel]

Cher Quentin,

Un certain nombre de vos questions ayant trait aux plans d’études et à la gestion des gymnases sont tout à fait intéressantes et l'on peut donc regretter que les gymnasiens – efficacement organisés en associations, nous osons l’espérer - ne fassent pas davantage de propositions et ne soient donc pas entendus par les responsables administratifs ou politiques.

Pour le reste, je crains que vous n'ayez toujours pas compris qu'au-delà du salaire en tant que tel, c'est le fait de la dévalorisation du statut salarial des jeunes maîtres (dont vous pourriez être un jour) par rapport aux anciens (et aussi à d'autres catégories de collaborateurs de l'Etat, récemment revalorisés), et ceci sans aucune espèce de justification, qui motive aujourd'hui notre action de protestation. Cette inégalité de traitement est de nature à désobliger gravement les jeunes maîtres par rapport à l'institution et donc à les décourager de s'engager davantage dans leur métier alors même que celui-ci, du fait des bouleversements socioculturels considérables que nous avons vécus ces dernières années, est devenu beaucoup plus complexe.

De fait, le mépris objectif dont toute la profession est aujourd'hui l'objet de la part de l'Etat, voire de la société, nous paraît symptomatique de la crise culturelle - et spirituelle - dans laquelle nous sommes présentement. Au-delà des questions d'argent et de salaire, la stigmatisation publique et objective de ces intellectuels rebelles à l'économisme gestionnaire que sont les maîtres de gymnase nous rappelle l’extrême pauvreté symbolique et métaphysique du consumérisme régnant et met en évidence les causes du désarroi profond dans lequel se trouve aujourd’hui la société - désarroi que vous n’ignorez pas, sans doute, et qui est issu de la perte du sens. Cette question du sens, qui transcende bien souvent l’affrontement traditionnel entre ce que nous appelons la gauche et la droite, correspond à ce que je nommais, par référence au grand poète André Breton dont vous avez peut-être entendu au moins le nom, l’or du temps…

Il s’agissait donc, à travers le politique, d’évoquer le poétique, c'est-à-dire le chemin vers un monde nouveau qui reste à imaginer, bien plus loin que l’étroitesse d’esprit purement gestionnaire et strictement matérialiste du pouvoir actuel ne peut le concevoir : quelque chose de l’espérance.
Autant vous dire que, par certains côtés, c’est de vous dont je parlais…

Aussi, permettez-moi de vous remercier pour votre remarque.

Bien à vous.

Philippe Leignel

[Quentin S.]

Oui, je voudrais bien qu'il existe une association d'élève suffisamment forte pour réformer le système scolaire. Malheureusement, il est difficile de renverser un système que l'on a pas encore battu. Ce qui signifie plus concrètement qu'avant l'obtention d'une maturité fédérale on ne peut rien faire contre le système, et qu'après, ce n'est plus notre problème puisque l'on a d'autres choses à faire ... En tout cas, c'est ma déduction personnelle pour expliquer le fait que, malgré que l'on critique l'éducation vaudoise depuis bien longtemps, personne n'a encore tenté de le changer.