de Laurent Droz le 27 Mar 2009, 17:34
Pour compléter donc, lettre de démission assez personnelle mais comme elle circule autant la mettre à disposition:
Madame la Conseillère d'Etat Anne-Catherine Lyon,
Cheffe du DFJC
Lausanne, ce 24 mars 2009
Par voie de service
Démission de ma charge de praticien-formateur
Madame la Conseillère d'Etat,
Par la présente, je confirme ma démission de ma charge de praticien-formateur, comme je l'avais annoncé dans un e-mail du 6 novembre 2008, dont vous aviez reçu copie. Je regrette profondément de renoncer à cette tâche très stimulante, intéressante et fondamentale pour la formation de jeunes maîtres. Mais les résultats des négociations que vous avez conduites avec l'intersyndicale des praticiens-formateurs péjorent de manière importante les conditions d'engagement de l'ensemble de notre groupe (entre 17 et 35% de rémunération en moins!). Il ne me reste donc pas d'autre moyen pour faire entendre mon désaccord.
S'il n'y avait pas eu Decfo-sysrem, la pilule, quoique amère, aurait peut-être passé… mais il vient un moment où la coupe est plus que pleine. Pour me faire comprendre, je me permets de détailler quelque peu ma situation, qui me paraît exemplaire de la situation de beaucoup de mes collègues, déjà expérimentés mais encore relativement jeunes.
Pour ce qui est de l'évolution de mon salaire, la situation peut se résumer rapidement: en admettant que je continue à enseigner au gymnase jusqu'à ma retraite, soit encore vingt-cinq ans de service (selon les documents de la caisse de pension), je perds environ 222'000.- selon le système tel qu'il est actuellement annoncé (passage pour moi en classe 13 à l'échellon 12, en reconnaissance de mes années d'expérience). Si je passais immédiatement en classe 13, ma perte serait réduite à 204'000.- environ (calculs basés sur les chiffres 2008, soit non-indexés, par mesure de simplification). Même si cette perte est ”purement virtuelle” – le Conseil d'Etat l'a suffisamment répété, elle représente quand même une somme non-négligeable dans son entier mais aussi dans la réalité concrète. Ainsi, pour prendre un exemple, l'année de mes 45 ans, mon manque à gagner, par rapport au maintien des classes 28-31, s'élèvera à de plus 15'000 bruts par année, soit près de 1000.- nets par mois. En 2009, il s'élève déjà à 100. par mois en moins qu'en classes 28-31.
Pour ce qui est donc de ma " fiche de salaire ", la perte paraît consommée, environ 5% de perte salariale sur un quart de siècle … et cela malgré les " améliorations substantielles " dont vous avez fait état! Cela par le simple fait de l'inversion des courbes de progression salariale.
Je n'ai pourtant pas l'impression d'avoir démérité dans l'exercice des mes fonctions, bien au contraire. Après la fin de mes études, j'ai travaillé plusieurs années dans la recherche historique – dont le Conseil d'Etat a d'ailleurs directement bénéficié en 2000 – puis j'ai décidé de me consacrer à l'enseignement gymnasial.
Non pas par manque de travail ou de débouché – j'ai démissionné d'un poste qui me permettait de terminer ma thèse de doctorat et d'envisager une carrière universitaire – mais par passion, par passion pour la transmission et pour l'éveil intellectuel de jeunes adultes en devenir.
Et c'est avec cette même passion que j'exerce cette profession depuis neuf ans; m'engageant sans compter dans l'enseignement, la formation continue, des maîtrises de classe, la direction d'une file de langue depuis deux ans, la charge de praticien-formateur depuis quatre ans et suivant maintenant pour la huitième fois des travaux de maturité (environ soixante travaux au total!). Mes compétences ont d'ailleurs été largement reconnues après ma formation pédagogique puisque j'ai été nommé par voie d'appel (en raison de ma capacité à dispenser un enseignement d'histoire en allemand).
Pour toutes ces raisons, je me considère comme un maître de gymnase déjà expérimenté, quoique encore jeune, enthousiaste et dynamique (à 37 ans!); je considère aussi que dans le monde du travail, je ferais partie d'une catégorie d'âge que les employeurs choient, pour éviter de perdre des compétences précieuses qui iraient se mettre au service d'une entreprise concurrente.
Pourtant, mon employeur actuel a choisi de me sacrifier, moi et mes collègues, sur l'autel d'une modernisation des fonctions de l'Etat.
Pour toutes ces raisons, vous comprendrez qu'à regret, je décide de “faire moins avec moins” en renonçant à participer à la formation de futurs collègues, spécifiquement à la tâche de praticien-formateur. Vous comprendrez également qu'il s'agit d'une mesure de lutte, parce que je ne peux simplement accepter de me taire et de subir les dégradations de mon statut que l'Etat m'impose.
Pour aller dans un autre sens, celui de l'engagement et de la motivation, j'ai besoin d'un signe tangible de la part de mon employeur.
En vous remerciant de votre attention et en espérant que vous donnerez suite à cet appel, je vous prie, Madame la Conseillère d'Etat, d'agréer mes salutations distinguées,
Laurent Droz