Lu dans le journal «Le Courrier» du 10 octobre:
« Le Gouvernement vaudois veut bien améliorer le sort des enseignants de gymnase, mais sans bourse délier. [...] Le Château refuse de gonfler le budget de la réforme. Selon le syndicat SUD, il a proposé hier de financer ces mesures en puisant dans le fonds pour les congés sabbatiques (2 millions) et en supprimant les indemnités des praticiens formateurs (4 millions) [...] Alors qu'un manque cruel de formateurs se fait ressentir dans certaines branches, le Conseil d'Etat ne semble pas vouloir encourager les vocations... »
Praticien formateur, j'exerce cette tâche ardue face aux élèves et en partenariat avec ces jeunes enseignant(e)s que j'accueille dans mes classes. Aux uns et aux autres, je m'efforce de transmettre les valeurs de respect, d'honnêteté et de transparence. Accueillir un(e) prof débutant(e) demande de la générosité et de l'engagement. Est-ce faire montre de déraison que d'attendre de l'employeur qu'il montre l'exemple ?
La reconnaissance est nécessaire pour mener à bien un travail, mais elle est aussi indispensable pour créer un climat émotionnel positif qui en facilite et optimise la réussite. Au coeur des nouvelles approches de gestion, la gratitude dans la profession est considérée comme un moyen important pour dynamiser les subordonné(e)s. Dans ce secteur privé, auquel notre Gouvernement veut nous appliquer les principes, il paraît évident qu'une entreprise qui sait apprécier ses agents possède un avantage compétitif évident par rapport aux sociétés qui ne le font pas !
Encore aujourd’hui, plusieurs dirigeants croient que la fin justifie les moyens: pour eux, il paraît justifiable d’utiliser l’intimidation, la culpabilisation et la menace pour parvenir à ses fins. Et pourtant rappelons cette règle essentielle: ce sont les moyens qui déterminent la fin... et non l’inverse ! Le désaveu, l’intimidation et la menace ne rendent pas l'activité du collaborateur meilleure. Ces stratégies de harcèlement ne font que générer ressentiment, frustration, colère et rupture du rapport de confiance avec les gens qui les subissent. Le dénigrement crée un cadre qui alimente le dénigrement; la méfiance produit un environnement qui nourrit la méfiance.
Considérons ces questions fondamentales: Quelle image a-t-on - et veut-on donner - du travail de celui qui «sur le terrain» (pour reprendre une terminologie à la mode) introduit les enseignants à leur métier ? Quels buts vise-t-on ? Décourager les «praticiens formateurs» et, en définitive, chercher à supprimer cet apprentissage... pour affirmer par la suite que la profession exercée par les enseignants pourrait être menée à bien par tout un chacun ? Faire passer les formateurs pour des gens qui ne songent qu'à l'argent ? ... alors que le montant de cette prime n'est pas à même de mettre en danger les finances cantonales ?
D'aucuns diront que le manque de tuteurs peut être facilement comblé en inscrivant leur tâche dans le cahier des charges de tous les profs. Les risques, en termes de démotivation et de coûts humains, ont-ils été un tant soit peu mesurés ?
Tout cela, ajouté aux mois de protestations et de lutte face à DECFO-SYSREM, va forcément laisser des traces. Politiques tout d'abord. Après les louvoiements perçus comme mesquins de M. Broulis et les protestations assourdissantes de Mme Lyon, la confiance sera pour le moins brisée entre l'employeur et les serviteurs de l'Etat. On s'en souviendra aux prochaines élections. Mais surtout c'est un climat malsain de suspicion et lourd d'arrière-pensées qui va s'imposer dans les écoles. Y a-t-on pensé dans les allées du pouvoir ? Vraisemblablement non. Il faut simplement « tenir » jusqu'à la fin de la législature afin de rendre des comptes à certains milieux pas aussi concernés qu'ils veulent bien le dire par les enjeux de la formation. Un service public exercé dans la sérénité et l'efficacité ? Qui s'en préoccupe sincèrement, en haut lieu ?