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Des dangers de l'évaluation permanente

 

Lettre des gymnases N° 77 - Septembre 2016

Des dangers de l'évaluation permanente

L E T T R E

des gymnases N° 77

septembre 2016

Publication du comité de l’Association vaudoise des maître-sse-s de gymnase (AVMG) - Membre de la Fédération syndicale SUD et de SUD Education – Place Chauderon 5 - 1003 Lausanne – www.avmg.chCette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

Toutes et tous grillés !

Des dangers de l’évaluation permanente

« Ce qui manque ne peut pas être compté. » (L’Ecclésiaste, I, 15)

 

« Celui qui prétend attribuer un chiffre à une émotion est un con. » (Sorbonne, Paris, mai 68)

Un fait divers gymnasial

S’il « faut bien éduquer les éducateurs » (Marx), pourquoi ne pas évaluer les évaluateurs, c’est-à-dire noter celles et ceux qui mettent des notes ? C’est à peu près en ces termes que le rédacteur en chef d’un quotidien matinal présentait l’affaire des trois gymnasiens sanctionnés à la fin de l’année scolaire pour avoir mis en ligne un site d’évaluation de leurs enseignants, sans l’autorisation de la directrice. La logique semble imparable, comme une loi du Talion infantile (tu me notes, je te note) : « Maintenant, c’est à ton tour d’évaluer ton prof », comme l’annonce la page d’accueil du site. Sauf que les apparences sont trompeuses et qu’il n’y a pas ici de réelle symétrie : les enseignant.e.s évaluent des travaux, des aptitudes et non des personnes, n’en déplaise à celles et ceux qui défendaient naguère l’évaluation comportementale des élèves (dans la défunte « page de gauche » d’EVM). Et il faudrait alors peut-être évaluer les élèves qui évaluent (méritants, appliqués, participatifs, etc.)[1] : assurément un processus sans fin, stérile et nocif.

Trois semaines de suspension des cours, une « sanction violente et aveugle », s’étrangle le rédacteur des aurores, pour une « démarche dans l’air du temps » ! On notera tout de même que la sanction, soutenue par le Département de la Formation et de la Jeunesse (eh oui ! les sanctions formeraient aussi la jeunesse), est intervenue à la fin de l’année scolaire : les élèves incriminés n’ont donc pas été trop longtemps « interdits de cours » (eux qui avouaient s’y ennuyer), puisque les derniers jours de juin sont consacrés à des examens qui ne les concernaient pas. Ces gymnasiens étaient par ailleurs présentés dans un autre article du même quotidien comme de jeunes « rebelles », comparés à Mark Zuckerberg, qui, on l’apprenait à cette occasion, se serait distingué durant sa jeunesse studieuse par la même démarche héroïque (c’était à Harvard cependant). Nos trois martyrs iront probablement très loin…

Les jeunes gymnasiens et leurs parents se défendent en soutenant que leur démarche était « une bonne idée »[2]. Nous voudrions leur dire que ce n’est pas le cas, non pas pour la raison que les élèves ne seraient pas compétents pour évaluer leurs enseignant.e.s (ce qui est partiellement vrai), mais parce que ce n’est pas une bonne idée du tout de soumettre les enseignant.e.s et les salarié.e.s en général, à des procédures d’évaluation permanente.


Lien vers la version intégrale de la Lettre N°77


 

 



[1] Un formateur de la HESSO intègre ce paramètre en proposant comme dernier item au questionnaire d’évaluation d’un enseignement par les étudiant.e.s le point suivant: « Pour cet enseignement (cours et labo), j’ai fourni en plus des heures à l’horaire un travail personnel hebdomadaire moyen (révision, exercices, etc.) d’environ…(4h, 3h, 2h, 1h, 0h).

[2] Il y aurait certes à s’attarder sur certains critères comportementaux flous, voire franchement louches : « Le prof te transmet sa passion pour sa branche » ou « le prof a développé une complicité avec sa classe » …